Après le « bonne dégustation » qui a remplacé petit-à-petit le « bon appétit » dans tous les établissements horecannien qui se targuent d’afficher un minimum de classe, ou du moins d’en donner l’impression, le « avec plaisir » décliné à tour de bras par le personnel de salle, a envahi les tables des débits de boisson et restaurants de tous poils.
Même s’il est rassurant et agréable d’être servi par quelqu’un qui manifeste un plaisir évident, que vous vous plaisez à imaginer sincère, à s’acquitter de sa tâche et à satisfaire vos moindres envies, en vous déculpabilisant par là même (NDLR : ou par ailleurs, c’est vous qui voyez) du sentiment gênant de supériorité temporaire généré par votre position de donneur d’ordre vis-à-vis d’un exécutant en situation de subalterne, l’utilisation inconsidérée du vocable suce-nommé peut engendrer de fâcheuses déconvenues s’il se mue en déformation professionnelle.
Après une journée où il totalise une bonne centaine de « avec plaisir », il est particulièrement compliqué pour le brave serveur de se débarrasser de cet automatisme une fois sa veste blanche rangée au vestiaire.
Ainsi, en quittant son service, le patron lui annonce : « Je vous paierai le mois prochain ». Réponse : « Avec plaisir ».
Un automobiliste l’enguirlande (de Noël) parce qu’il lui a coupé la route avec son vélo : « Vous ne pouvez pas faire attention ? » « Si, avec plaisir ! » « Attends, je vais t’en retourner une ! » « Oh, avec plaisir ».
Sa femme l’accueille à la maison : « C’est à cette heure-ci que tu rentres ? » « Ben oui, avec plaisir ! ».
Mais que se cache-t-il réellement derrière cette expression ? En caméra cachée, nous avons pu filmer et décrypter les mimiques et attitudes du personnel de salle au moment où il prononce la sacrée formule, et détecter l’intention réelle subtilement dissimulée derrière ces deux petits mots.
Voici quelques exemples de réponses qu’aurait pu fournir le préposé à votre service, s’il s’était exprimé en toute franchise, en lieu et place du « Avec plaisir ». En d’autres mots, s’il avait dit tout haut ce qu’il pensait tout bas.
« Tiens, voilà ton pain, étouffe-toi avec »,
« Carte des vins ? Fais le malin, tu vas encore prendre le pichet, comme chaque fois »,
« Oui, paie avec ta carte, comme ça tu ne dois pas laisser de pourboire »,
« Tu crois que j’ai par remarqué que c’était pas ta femme »,
« T’aurais pas pu laisser ce sale gosse à la maison »,
« Ma payer le mois prochain ? Attends je vais te dénoncer à l’AFSCA moi »
et aussi, « Encore des frites, t’es pas encore assez gras ? »,
« Grouille-toi de choisir, je dois pisser »,
« Bonne dégustation ! C’est toi qui va déguster si tu continues avec tes manières de m’as-tu vu »
Donc, si on vous sert du « avec plaisir », méfiez-vous !
Bonne dégustation !
NB. En maints endroits le « avec plaisir « est remplacé par le « pas de souci ». Mais le résultat est le même.
Donc, voilà,